Rép :Synthèse du rapport de l”Agence française de sécurité sanitaire des aliments

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#203901
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    [align=center]Les fumonisines[/align]

    Bien que la découverte de la structure de la fumonisine B1 (FB1) date de 1988 (Gelderblom et al.,

    1988), les effets de cette famille de mycotoxines sont connus depuis longtemps dans plusieurs

    espèces animales, en particulier chez les équidés où elles se manifestent par une hépatotoxicité et

    une nécrose cérébrale. Cette famille de mycotoxines est principalement produite par Fusarium

    verticillioides (anciennement F. moniliforme) et F. proliferatum.

    Les fumonisines des céréales semblent être produites quasi exclusivement au champ, sur maïs et

    sorgho par des espèces de F. verticillioides (anciennement F. moniliforme) et F. proliferatum. Les

    facteurs de variation sont moins bien connus que ceux concernant les autres fusariotoxines.

    Absorption et élimination

    Chez le rat et la plupart des animaux, les études de la cinétique de la FB1 indiquent une faible

    absorption, une distribution rapide et une élimination selon un modèle à deux ou trois compartiments.

    Toxicité générale

    Une toxicité a été observée, pour toutes les espèces animales étudiées, dans le foie qui est la

    principale cible de la FB1. Les reins sont également affectés chez de nombreuses espèces. Dans ces

    organes, la toxicité induite par la FB1 est souvent initialement caractérisée par une nécrose liée à des

    processus apoptotiques et oncotiques suivie d’une régénération et, dans le cas du foie, d’une

    hyperplasie des conduits de la bile. Chez les rongeurs, la toxicité de la FB1 dépend à la fois de la

    lignée utilisée et du sexe des animaux.

    Toxicité cellulaire

    ]Deux processus peuvent entraîner la mort cellulaire : la nécrose et l’apoptose. Si les processus

    nécrotiques pouvant être à l’origine de la cytotoxicité des fumonisines sont peu caractérisés, il n’en est

    pas de même pour les processus apoptotiques. Dans plusieurs modèles animaux, l”administration de

    FB1 induit une apoptose dans divers tissus (Lim et al., 1996; Tolleson et al., 1996; Sharma et al.,

    1997; Bucci et al., 1998; Ciacci-Zanella et Jones, 1999; Lemmer et al., 1999; Dragan et al., 2001;

    Jones et al., 2001; Dombrink-Kurtzman, 2003; Gopee et al., 2003). L”apoptose semble jouer un rôle

    important dans les effets toxiques de la FB1 y compris dans l”induction de tumeur. Dans les

    expériences réalisées sur animaux, les phénomènes d”apoptose sont observés à toutes les doses

    induisant des effets toxiques y compris les effets cancérogènes. La dose de toxine induisant

    l”apoptose dépend de la durée de l”exposition, de l’espèce animale considérée et varie de 0,9 à 12 mg

    FB1/kg p.c./j dans les expériences à long ou à court terme.

    Toxicité aiguë

    L’espèce animale domestique la plus sensible à la FB1 est le cheval. Des manifestations aiguës de la

    toxicité des fumonisines ont été mises en évidence : les chevaux développent une

    leucoencéphalomalacie, syndrome qui entraîne la mort des animaux

    Toxicité sub-aiguë et subchronique

    ]Dans toutes les études effectuées chez le rat des

    effets néphrotoxiques et hépatotoxiques ont été observés. L”incidence et la sévérité des altérations

    rénales ont été étroitement corrélées avec des concentrations accrues de sphinganine dans les tissus,

    le sérum et l”urine (Riley et al., 1994). D”autres effets toxiques de la FB1 ont été également rapportés

    chez le rat, tels qu”une nécrose du myocarde et un oedème pulmonaire sévère (Gelderblom et al.,

    1993b).

    Chez les rats, la toxicité se manifeste principalement au niveau rénal. Des lésions du tubule proximal

    situé dans la médula externe ont été observées chez les mâles F344 recevant un aliment contaminé

    avec 9 mg de FB1/kg (soit 0,6 mg/kg p.c./j) ou des aliments plus contaminés (27 et 81 mg de FB1/kg

    d”aliment) et chez les femelles recevant l”aliment le plus contaminé (81 mg/kg d”aliment) pendant 13

    semaines (Voss et al., 1995). Ces lésions sont du même type que celles observées dans une étude

    menée sur quatre semaines (Voss et al., 1993). Le poids relatif des reins diminue chez les rats mâles

    nourris pendant 4 semaines avec un aliment contenant 27 mg de FB1/kg et chez les mâles et les

    femelles nourris pendant 13 semaines avec un aliment contenant 9 mg de FB1/kg. Dans le sérum, la

    créatinine augmente chez les mâles nourris pendant 13 semaines avec un aliment contenant au

    moins 27 mg de FB1/kg et chez les femelles nourries pendant 13 semaines avec un aliment contenant

    81 mg de FB1/kg. Dans cette étude, la NOAEL est de 0,2 mg de FB1/kg p.c./j.

    D’autres manifestations toxiques sont décrites chez le rat. En particulier, une thrombose cardiaque

    intraventriculaire a été observée chez tous les animaux ayant ingéré quotidiennement de fortes doses

    de culture de F. verticillioides, sur des périodes allant de 44 à 78 jours (Kriek et al., 1981).

    Cancérogénicité

    Plusieurs études ont été conduites chez différentes souches de rats (BDIX et F344/N), sur des

    périodes d’intoxication allant jusqu’à 2 ans (Marasas et al., 1984; Jaskiewicz et al., 1987; NTP, 2001).

    La distribution à des rats d”aliments contaminés avec des extraits de culture de F. verticillioides

    produisant de fortes doses de fumonisines (principalement de la FB1) pendant 23 à 27 mois entraîne

    l’apparition de carcinomes hépatocellulaires, avec cirrhose et adénofibrose, mais aussi des

    carcinomes de l’épithélium gastrique et une hyperplasie des cellules basales de l’oesophage (Marasas

    et al., 1984, Jaskiewicz et al., 1987).

    Effets sur la reproduction, embryotoxicité et tératogénicité

    Une suspicion d”effet toxique des fumonisines sur la reproduction a été émise suite aux observations

    suivantes:

    – avortement chez des truies ayant consommé un aliment contaminé avec des fumonisines

    (Harrison et al., 1990),

    – défauts de naissance pouvant être corrélés à la consommation d”aliment contaminé par

    les fumonisines chez des habitants du Texas (Hendricks, 1999) ;

    – inhibition de la synthèse de sphingolipides par les fumonisines (Wang et al., 1991).

    Immunotoxicité

    Les effets immunotoxiques des fumonisines ont été mis en évidence à la fois in vivo et in vitro et

    auraient des conséquences sur la sensibilité des animaux aux infections

    Plusieurs études montrent que la FB1 affecte le poids des organes immunitaires, en particulier le

    thymus.

    Les effets de la FB1 ont également été étudiés sur la réponse immunitaire à médiation cellulaire chez

    l”homme, les rongeurs, le porc et les volailles. Les conséquences en termes de sensibilité aux infections et l”altération causée de la réponse

    immunitaire ont été documentées. Chez des porcelets ayant ingéré de la FB1 (0,5 mg/kg p.c./j

    pendant 7 jours) on observe une augmentation de la colonisation intestinale par une souche

    pathogène d”Escherichia coli (Oswald et al., 2003). Chez des souris ayant ingéré 15 ou 25 mg FB1/kg

    p.c./j pendant 14 jours, on observe également une diminution de la clairance bactérienne de Listeria

    monocytogenes après infection intraveineuse (Tryphonas et al., 1997). Chez des porcs ayant reçu la

    même dose de toxine pendant 7 jours, on observe également une diminution de la clairance de

    Pseudomonas aeruginosa (Smith et al., 1996c). Au contraire, l”ingestion de fortes doses de toxines

    (aliment contaminé par des extraits de culture fungiques et contenant 150 mg FB1/kg) augmente la

    résistance des souris à l”infection par le parasite intracellulaire Tryponosoma cruzi (Dresden Osborne

    et al., 2002). Cet effet « protecteur » de la FB1 pourrait être lié à sa capacité à induire la synthèse de

    cytokines pro-inflammatoires.

    Effets sur le système nerveux

    Le syndrome de leucoencéphalomalacie équine est caractéristique de l”ingestion de fumonisines.

    Une étude de Kwon et al., (1997) indique également que l”injection sous-cutanée de FB1 chez des

    rats nouveau-nés entraîne une élévation du rapport Sa/So dans les tissus cérébraux et réduit le dépôt

    de myéline, ce qui pourrait retarder le développement du système nerveux. Cette étude suggère

    également que le métabolisme des sphingolipides dans le système nerveux des rats nouveau-nés est

    très sensible à la FB1. En effet, après injection de 0,8 et 8,0 mg de FB1/kg p.v., le ratio entre l”aire

    sous la courbe en FB1 du plasma et celle du cerveau est de 0,02 chez les rats adultes, mais de 40

    chez les rats nouveau-nés (Kwon et al., 1997).

    Plus récemment, il a été montré qu”une injection intracérébrale de 100μg de FB1 induit une

    neurodégénération avec une inhibition simultanée de la synthèse de novo de céramide, une

    stimulation des astrocytes et une augmentation des cytokines pro-inflammatoires (Osuchowski et al,.

    2005).

    Effets sur le système cardiovasculaire

    Les premières démonstrations d”une toxicité des fumonisines sur le système cardiovasculaire ont été

    réalisées chez des babouins nourris avec des aliments contaminés par des extraits de F. verticillioides

    où un arrêt du coeur avec une congestion aiguë a été observé (Kriek et al. 1981). Des études sur

    porcs nourris pendant 7 mois avec un aliment contaminé (150 à 170 mg FB1/kg d’aliment) ont montré

    une hypertrophie ventriculaire du coeur droit et une hypertrophie des artères pulmonaires

    Effets sur la santé humaine (données épidémiologiques)

    Peu d”études épidémiologiques sont disponibles et la plupart ne sont pas concluantes dans la mesure

    où les données quantitatives ne permettent pas de conduire une évaluation du risque. Parmi ces

    études, celles réalisées en Afrique du Sud et en Chine semblent établir une corrélation entre la

    consommation de produits contaminés par la FB1 et une augmentation de l”incidence de cancer de

    l”oesophage, corrélation qui n”a pas été mise en évidence dans une étude réalisée en Italie (CIRC,

    1993).

    Effets sur les Animaux de compagnie et de loisirs

    Les carnivores domestiques

    Aucun trouble n’a jamais été rapporté chez les carnivores domestiques en relation avec cette

    contamination qui ne semble pas poser de problème pratique à l’industrie des aliments secs pour

    carnivores.

    Une seule enquête épidémiologique a été réalisée et laisse cependant à penser que les carnivores

    domestiques (chiens et chats) pourraient être potentiellement exposés au risque toxicologique lié à la

    présence de fumonisines dans les aliments secs contenant des céréales ou des tourteaux. Un

    échantillon de 35 aliments secs pour chiens et de 35 aliments secs pour chats disponibles sur le

    marché britannique a fait l’objet d’une recherche des fumonisines B1 et B2 (seuil de détection

    respectivement de 3 et de 8 μg/kg). La FB1 a été identifiée dans un seul aliment pour chiens (105

    μg/kg) et dans 3 aliments pour chats (90, 240 et 690 μg/kg). La FB2 a également été identifiée dans le

    même aliment pour chiens (30 μg/kg) et dans 2 des 3 aliments pour chats déjà contaminés par la FB1

    (80 et 60 μg/kg) (Scudamore et al., 1997).

    Conclusions et recommandations

    Parmi les différentes fumonisines, les effets de la fumonisine B1 (FB1) sont les mieux caractérisés :

    on assiste notamment à une altération du métabolisme des sphingolipides dont toutes les

    conséquences toxicologiques ne sont pas connues. En terme d”effets cliniques majeurs, l’oedème

    pulmonaire porcin et la leucoencéphalomalacie équine sont les principaux effets observés sur la santé

    animale.

    La population française est peu exposée aux fumonisines en raison de la faible consommation de

    maïs et du faible transfert de ces toxines dans les produits animaux. Cependant, les teneurs

    mesurées dans le cadre des plans de surveillance et de contrôle dans les produits à base de céréales

    destinés aux enfants en bas-âge montrent qu’il conviendrait de renforcer les contrôles sur ces

    produits.

    En revanche, la population animale est plus exposée, le maïs pouvant constituer un élément majeur

    de son alimentation. Particulièrement contaminées, les issues de maïs utilisées dans l”alimentation

    des animaux, notamment celle des équidés, présentent un risque particulier et devraient être

    réglementées. D”une façon générale, les teneurs maximales recommandées (Recommandations de la

    Commission14 et de la FDA27) pour les maïs destinés aux animaux apparaissent trop laxistes au

    regard de la protection de la santé animale.

    La connaissance de la toxicité des fumonisines autres que la FB1 est très limitée et le différentiel

    toxique entre fumonisines n”est pas connu. Il faudra à l’avenir engager des recherches sur le danger

    toxique des fumonisines, notamment les dangers immunotoxique et cancérogène à doses faibles.

    Outre la recherche sur les dangers toxiques des fumonisines, plusieurs voies d’amélioration sont à

    considérer :

    – du point de vue réglementaire, la réglementation devrait concerner non seulement à la somme

    FB1+FB2 mais également la seule FB1 ;

    27 FDA. Background Paper in Support of Fumonisin Levels in Animal Feed, FDA 2001.

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    – du point de vue analytique, des progrès sont attendus pour le dosage en routine des

    fumonisines dans les matières premières et produits finis ;

    – du point de vue de la surveillance, la conduite des plans devra se poursuivre sur le maïs afin

    de prendre en compte l’évolution du climat. En effet, la contamination naturelle en fumonisines

    peut être fréquente selon les années dans le maïs du sud de l”Europe. Par ailleurs, les plans

    de surveillance devront être étendus au sorgho.