Rép :Synthèse du rapport de l”Agence française de sécurité sanitaire des aliments

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#203898
Bémol
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    [align=center]L’ochratoxine A[/align]

    Introduction

    Les ochratoxines sont des métabolites de moisissures appartenant aux genres Aspergillus ou

    Penicillium. Leur présence est liée au climat, particulièrement lors de la récolte, et aux conditions de

    stockage après récolte. Parmi les 9 ochratoxines décrites, seules l”ochratoxine A et très RattleetRewardment

    l”ochratoxine B ont été retrouvées sur des produits végétaux. Compte tenu de la prévalence et de la

    toxicité de l’ochratoxine A (OTA), seule cette dernière sera traitée.

    Les denrées alimentaires à haut risque de

    contamination par l”ochratoxine sont les céréales (maïs, orge, blé, sorgho, avoine et riz). D”autres

    denrées peuvent être contaminées comme les graines de cacao, le vin, le jus de raisin, la bière, des

    épices et la viande de porc. Les aliments pour animaux peuvent aussi être contaminés par

    l”ochratoxine A, les abats (sang, rognons) d’animaux ayant consommé de tels aliments peuvent alors

    présenter des résidus d’OTA.

    L”ochratoxine A est connue pour sa néphrotoxicité. Elle serait l’un des facteurs potentiels à l’origine de

    troubles rénaux chez l’homme connus sous le nom de Néphropathie Endémique des Balkans (NE:cool:.

    Elle s’avère également immunotoxique, tératogène et neurotoxique. Son pouvoir cancérogène est

    établi chez l”animal, mais les preuves sont encore insuffisantes chez l”homme.

    En Europe, la présence d”OTA dans les céréales est due à la croissance de P. verrucosum en

    condition humide lors du stockage. Les solutions pour éviter la présence d’OTA dans le grain passent

    par le contrôle du niveau d’humidité lors du remplissage du silo et au cours du stockage.

    Devenir et Propriétés toxicologiques de l”ochratoxine A

    Absorption

    L’OTA est d”abord absorbée dans l’estomac en raison de ses propriétés acides (pKa = 7,1) mais

    l’absorption est aussi possible au niveau de l’œsophage. Le site majeur d’absorption de l’OTA est l’intestin grêle

    avec une absorption maximale au niveau du jéjunum proximal.

    Toxicité aiguë

    Chez le rat, 48h après l’administration orale d’une dose

    unique d’OTA (0,17 ou 22 mg/kg p.c.), des hémorragies multifocales dans de nombreux organes, des

    thrombi de fibrine dans la rate, dans le plexus choroïde du cerveau (Belmadini et al., 1999), le foie, le

    rein et le coeur sont constatés. Ces lésions suggèrent une coagulation intra-vasculaire disséminée qui

    serait due à l’activation des systèmes intrinsèques et extrinsèques de coagulation. Les autres

    modifications sont une nécrose hépatique et lymphoïde, une entérite avec une atrophie des villosités

    affectant plus sévèrement le jéjunum ainsi qu’une néphrite. Les lésions myocardiques sont à relier au

    choc et à l’ischémie

    Toxicité subaiguë et chronique

    Chez des rats exposés pendant 13 semaines à des doses orales de 21, 70 et 210 μg/kg à raison de 5 administrations par semaine, Rached et Al (2007) ont observé une prolifération des cellules du cortex

    rénal aux deux plus fortes doses. L’absence d’effet à la plus faible exposition a conduit ces auteurs à

    retenir une NOEL de 21 μg/kg/j chez le rat. Enfin, la prolifération cellulaire observée fournit des

    arguments en faveur d’un mécanisme épigénétique à seuil.

    De nombreuses études de toxicité subaiguës et chroniques ont été conduites chez le porc, la volaille

    ou les animaux de compagnie, leurs résultats sont rapportés dans les chapitres correspondants.

    Pouvoir cancérogène

    L”OTA est cancérogène chez le rongeur avec induction de tumeurs rénales, hépatiques, mammaires

    et testiculaires (Schwartz, 2002). Les lésions tumorales retrouvées au niveau rénal prédominent, ce

    qui est probablement une conséquence du fait que la cible primaire de l’OTA est l’épithélium des

    tubules proximaux au niveau du cortex interne et de la médulla externe.

    Chez l’homme, une corrélation positive entre l’exposition à l’OTA et la NEB ainsi qu’entre la

    distribution géographique de la NEB et l’incidence élevée des cancers de l”épithélium urothélial a été

    montrée (Nikolov et al, 1996). Les concentrations sériques d’OTA mesurées sont plus élevées chez

    les patients atteints de la Néphropathie Endémique des Balkans et/ou du cancer de l’épithélium urothélial que chez les sujets non

    malades. L’OTA est classée dans le groupe 2B par le CIRC (1993) comme étant un cancérogène

    possible chez l’homme

    Exposition humaine à l’ochratoxine A

    Effets sur la santé humaine

    Dans plusieurs localités situées sur les bords d”affluents du Danube, en Bulgarie, Roumanie, Bosnie,

    Serbie, et Croatie, une incidence inhabituelle d”insuffisance rénale chronique a été décrite depuis

    1956, concernant 10% à 30% de la population rurale des deux sexes. Cette néphropathie endémique,

    dite Néphropathie Endémique des Balkans (NE:cool:, réunit tous les critères d”une néphropathie tubulointerstitielle

    chronique. Les signes cliniques sont ceux d’une insuffisance rénale progressive précédée

    par une anémie très marquée (Godin et al., 1997 ; Tatu et al., 1998). Le tableau clinique comporte une

    protéinurie tubulaire, une acidose tubulaire, une hyperuricémie et une hyperuricosurie, une diminution

    du volume des reins avec souvent des images de nécrose papillaire (Godin et al., 1997). L”évolution

    insidieuse aboutit en 2 à 10 ans à l”insuffisance rénale terminale, sans hypertension artérielle.

    Animaux de compagnie et de loisirs

    Si les animaux de compagnie et de loisirs ne diffèrent pas fondamentalement des autres animaux

    domestiques quant aux circonstances et aux conséquences du risque lié aux mycotoxines, ils

    présentent cependant une différence notoire : celle de la durabilité de l’action toxique inhérente à leur

    très longue espérance de vie. Pour ces espèces, c’est tout autant l’impact de consommation de

    faibles doses sur de très longues périodes avec ses répercussions sur la fonction rénale, la baisse

    d’immunité ou la sensibilité accrue aux agents infectieux, que le risque ponctuel lié à des

    contaminations plus massives associées à un tableau clinique plus explicite, qu’il s’avère

    particulièrement pertinent de connaître.

    Différentes enquêtes épidémiologiques laissent à penser que les carnivores domestiques (chiens et

    chats) seraient exposés au risque toxicologique lié à la présence d’OTA dans les aliments.

    Scudamore et al. (1997) ont analysé 35 aliments secs pour chiens et 35 aliments secs pour chats

    disponibles sur le marché britannique afin de rechercher la présence d’OTA (seuil de détection 0,5

    μg/kg). L’OTA n’a été identifiée que dans deux aliments pour chiens (1,1 et 1,3 μg/kg) et dans deux

    aliment pour chats (1,2 et 2,3 μg/kg).

    Razzazi-Fazeli et al.(2001) ont analysé 26 aliments humides et 17 aliments secs pour chiens et

    chats : l’OTA a pu être identifiée dans 47% des prélèvements, majoritairement à faibles doses (de 0,1

    à 0,8 μg/kg), deux échantillons seulement présentant des valeurs élevées (3,2 et 13,1 μg/kg). Par

    ailleurs, 26 prélèvements de tissu rénal de chats ont été analysés. Seize d’entre eux présentaient des

    teneurs en OTA comprises entre 0,35 et 1,5 μg/kg, mais sans que ces valeurs puissent être reliées à

    quelque signe pathologique que ce soit. Dans le prolongement de cette première étude, Pühringer

    (cité par Böhm et Razzazi-Fazeli, 2005) a analysé 101 prélèvements de tissu rénal de chats

    présentant ou non des signes cliniques rénaux. Trente-neuf échantillons présentaient des teneurs en

    OTA comprises entre 0,11 et 0,30 μg/kg, et 16 entre 0,31 et 5,18 μg/kg, mais sans que ces valeurs

    puissent être reliées à une quelconque pathologie rénale. Parallèlement, cet auteur a analysé 55

    aliments pour chats (45 humides et 10 secs). Quatorze (7 aliments humides et 7 aliments secs)

    présentaient des teneurs comprises entre 0,11 et 2,17 μg/kg (seuil de détection 0,10 μg/kg). Il serait

    intéressant de connaître l’effet à long terme sur les carnivores domestiques des niveaux de

    contamination les plus élevés.

    Deux études expérimentales majeures ont été conduites afin de mesurer l’impact d’un apport continu

    per os d’OTA sur l’organisme de jeunes chiots (Szczech et al., 1973a, 1973b et 1974 ; Kitchen et al.,

    1977a, 1977b, 1977c). Dans la première étude portant sur 23 chiots âgés de 8 à 9 semaines et

    répartis en lots de 3 animaux, la dose quotidienne de 0,2 à 0,4 mg/kg p.v. conduit à un tableau

    clinique dominé par de l’anorexie, des vomissements, du ténesme, une élévation de la température

    corporelle, un syndrome polyurie-polydipsie, puis une déshydratation, de la prostration avec une

    évolution mortelle en moins de 2 semaines (Szczech et al., 1973a). Des apports supérieurs (3 mg/kg

    p.v.) se sont révélés systématiquement et rapidement mortels avec un tableau clinique similaire

    évoluant en moins de 4 jours. A l’évidence, les jeunes chiots s’avèrent être une catégorie animale

    particulièrement sensible à l’OTA. En revanche, la dose de 0,1 mg/kg p.v. a été bien supportée par

    l’ensemble des animaux. A l’instar des autres espèces, chez le chiot, l’action toxique de l’OTA

    s’exerce sur l’épithélium tubulaire rénal comme le montrait dans cet essai, la détérioration des

    paramètres urinaires (faible densité urinaire, protéinurie et glucosurie) sans altération des paramètres

    plasmatiques. L’examen anatomo-pathologique a montré la présence d’une entérite hémorragique

    (colon, cæcum et rectum), d’une hypertrophie des noeuds lymphatiques qui étaient oedémateux,

    hyperémiques et localement nécrotiques ainsi que d’une nécrose et d’une desquamation de

    l’épithélium du tube contourné proximal (Szczech et al., 1973b) associée à une altération profonde

    des membranes basales et du reticulum endoplasmique des cellules de l’épithélium tubulaire

    (Szczech et al., 1974).

    Dans la seconde étude, réalisée ultérieurement par la même équipe de l’université Purdue (West

    Lafayette, Indiana), l’action toxique de l’OTA per os a été testée séparément ou conjointement à

    l’administration parentérale de citrinine aux doses respectives de 0,1 ou 0,2 mg/kg pc d’OTA et 5 ou

    10 mg/kg pc de citrinine sur des chiots âgés de 10 semaines. Le même tableau clinique que

    précédemment n’a été retrouvé que pour les chiots recevant l’association d’OTA per os et de citrinine

    en injection intrapéritonéale. Les associations OTA (0,1 mg/kg p.v.) – citrinine (5 mg/kg p.v.) et OTA

    (0,2 mg/kg p.v.) – citrinine (10 mg/kg p.v.) ont entrainé la mort de 4 à 6 chiots en moins de 2

    semaines, alors qu’en l’absence de citrinine, aucun signe notable d’intoxication n’avait été observé.

    Avec l’association les 6 chiots moururent en 4 ou 15 jours, alors qu’en l’absence de citrinine, aucun

    signe d’intoxication notable n’avait été observé. La présence de citrinine potentialise l’effet toxique de

    l’OTA et conduit à une plus grande sévérité des troubles ainsi qu’à une mortalité plus rapide des

    chiots, ce qui reflète une véritable synergie toxicologique des deux mycotoxines (Kitchen et al.,

    1977a). L’examen anatomo-pathologique a confirmé les effets délétères de l’OTA : présence

    d’ulcérations digestives, nécrose des tissus lymphoïdes ainsi que nécrose et desquamation de

    l’épithélium du tube contourné proximal (Kitchen et al., 1977b) associées à une altération profonde

    des cellules de l’épithélium tubulaire (Kitchen et al., 1977c). Le tableau nécropsique a également été

    amplifié par la présence de citrinine.

    A la vue de la grande sensibilité de l’espèce canine à l’OTA, il n’est donc plus possible d’écarter

    l’éventuelle responsabilité d’une contamination même faible des aliments utilisés par les chiots en

    croissance dans la survenue de troubles de la fonction rénale, surtout lors de contamination fongique

    multiple. Dans la mesure où la dose de 0,1 mg/kg pc semble bien supportée (ce qui équivaut à

    environ 1 mg/kg d’aliment) et en prenant une marge de sécurité de 10, il est possible de fixer à 0,1

    mg/kg d’aliment la limite maximale tolérable pour les carnivores domestiques.