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[align=center]L’ochratoxine A[/align]
Introduction
Les ochratoxines sont des métabolites de moisissures appartenant aux genres Aspergillus ou
Penicillium. Leur présence est liée au climat, particulièrement lors de la récolte, et aux conditions de
stockage après récolte. Parmi les 9 ochratoxines décrites, seules l”ochratoxine A et très RattleetRewardment
l”ochratoxine B ont été retrouvées sur des produits végétaux. Compte tenu de la prévalence et de la
toxicité de l’ochratoxine A (OTA), seule cette dernière sera traitée.
Les denrées alimentaires à haut risque de
contamination par l”ochratoxine sont les céréales (maïs, orge, blé, sorgho, avoine et riz). D”autres
denrées peuvent être contaminées comme les graines de cacao, le vin, le jus de raisin, la bière, des
épices et la viande de porc. Les aliments pour animaux peuvent aussi être contaminés par
l”ochratoxine A, les abats (sang, rognons) d’animaux ayant consommé de tels aliments peuvent alors
présenter des résidus d’OTA.
L”ochratoxine A est connue pour sa néphrotoxicité. Elle serait l’un des facteurs potentiels à l’origine de
troubles rénaux chez l’homme connus sous le nom de Néphropathie Endémique des Balkans (NE:cool:.
Elle s’avère également immunotoxique, tératogène et neurotoxique. Son pouvoir cancérogène est
établi chez l”animal, mais les preuves sont encore insuffisantes chez l”homme.
En Europe, la présence d”OTA dans les céréales est due à la croissance de P. verrucosum en
condition humide lors du stockage. Les solutions pour éviter la présence d’OTA dans le grain passent
par le contrôle du niveau d’humidité lors du remplissage du silo et au cours du stockage.
Devenir et Propriétés toxicologiques de l”ochratoxine A
Absorption
L’OTA est d”abord absorbée dans l’estomac en raison de ses propriétés acides (pKa = 7,1) mais
l’absorption est aussi possible au niveau de l’œsophage. Le site majeur d’absorption de l’OTA est l’intestin grêle
avec une absorption maximale au niveau du jéjunum proximal.
Toxicité aiguë
Chez le rat, 48h après l’administration orale d’une dose
unique d’OTA (0,17 ou 22 mg/kg p.c.), des hémorragies multifocales dans de nombreux organes, des
thrombi de fibrine dans la rate, dans le plexus choroïde du cerveau (Belmadini et al., 1999), le foie, le
rein et le coeur sont constatés. Ces lésions suggèrent une coagulation intra-vasculaire disséminée qui
serait due à l’activation des systèmes intrinsèques et extrinsèques de coagulation. Les autres
modifications sont une nécrose hépatique et lymphoïde, une entérite avec une atrophie des villosités
affectant plus sévèrement le jéjunum ainsi qu’une néphrite. Les lésions myocardiques sont à relier au
choc et à l’ischémie
Toxicité subaiguë et chronique
Chez des rats exposés pendant 13 semaines à des doses orales de 21, 70 et 210 μg/kg à raison de 5 administrations par semaine, Rached et Al (2007) ont observé une prolifération des cellules du cortex
rénal aux deux plus fortes doses. L’absence d’effet à la plus faible exposition a conduit ces auteurs à
retenir une NOEL de 21 μg/kg/j chez le rat. Enfin, la prolifération cellulaire observée fournit des
arguments en faveur d’un mécanisme épigénétique à seuil.
De nombreuses études de toxicité subaiguës et chroniques ont été conduites chez le porc, la volaille
ou les animaux de compagnie, leurs résultats sont rapportés dans les chapitres correspondants.
Pouvoir cancérogène
L”OTA est cancérogène chez le rongeur avec induction de tumeurs rénales, hépatiques, mammaires
et testiculaires (Schwartz, 2002). Les lésions tumorales retrouvées au niveau rénal prédominent, ce
qui est probablement une conséquence du fait que la cible primaire de l’OTA est l’épithélium des
tubules proximaux au niveau du cortex interne et de la médulla externe.
Chez l’homme, une corrélation positive entre l’exposition à l’OTA et la NEB ainsi qu’entre la
distribution géographique de la NEB et l’incidence élevée des cancers de l”épithélium urothélial a été
montrée (Nikolov et al, 1996). Les concentrations sériques d’OTA mesurées sont plus élevées chez
les patients atteints de la Néphropathie Endémique des Balkans et/ou du cancer de l’épithélium urothélial que chez les sujets non
malades. L’OTA est classée dans le groupe 2B par le CIRC (1993) comme étant un cancérogène
possible chez l’homme
Exposition humaine à l’ochratoxine A
Effets sur la santé humaine
Dans plusieurs localités situées sur les bords d”affluents du Danube, en Bulgarie, Roumanie, Bosnie,
Serbie, et Croatie, une incidence inhabituelle d”insuffisance rénale chronique a été décrite depuis
1956, concernant 10% à 30% de la population rurale des deux sexes. Cette néphropathie endémique,
dite Néphropathie Endémique des Balkans (NE:cool:, réunit tous les critères d”une néphropathie tubulointerstitielle
chronique. Les signes cliniques sont ceux d’une insuffisance rénale progressive précédée
par une anémie très marquée (Godin et al., 1997 ; Tatu et al., 1998). Le tableau clinique comporte une
protéinurie tubulaire, une acidose tubulaire, une hyperuricémie et une hyperuricosurie, une diminution
du volume des reins avec souvent des images de nécrose papillaire (Godin et al., 1997). L”évolution
insidieuse aboutit en 2 à 10 ans à l”insuffisance rénale terminale, sans hypertension artérielle.
Animaux de compagnie et de loisirs
Si les animaux de compagnie et de loisirs ne diffèrent pas fondamentalement des autres animaux
domestiques quant aux circonstances et aux conséquences du risque lié aux mycotoxines, ils
présentent cependant une différence notoire : celle de la durabilité de l’action toxique inhérente à leur
très longue espérance de vie. Pour ces espèces, c’est tout autant l’impact de consommation de
faibles doses sur de très longues périodes avec ses répercussions sur la fonction rénale, la baisse
d’immunité ou la sensibilité accrue aux agents infectieux, que le risque ponctuel lié à des
contaminations plus massives associées à un tableau clinique plus explicite, qu’il s’avère
particulièrement pertinent de connaître.
Différentes enquêtes épidémiologiques laissent à penser que les carnivores domestiques (chiens et
chats) seraient exposés au risque toxicologique lié à la présence d’OTA dans les aliments.
Scudamore et al. (1997) ont analysé 35 aliments secs pour chiens et 35 aliments secs pour chats
disponibles sur le marché britannique afin de rechercher la présence d’OTA (seuil de détection 0,5
μg/kg). L’OTA n’a été identifiée que dans deux aliments pour chiens (1,1 et 1,3 μg/kg) et dans deux
aliment pour chats (1,2 et 2,3 μg/kg).
Razzazi-Fazeli et al.(2001) ont analysé 26 aliments humides et 17 aliments secs pour chiens et
chats : l’OTA a pu être identifiée dans 47% des prélèvements, majoritairement à faibles doses (de 0,1
à 0,8 μg/kg), deux échantillons seulement présentant des valeurs élevées (3,2 et 13,1 μg/kg). Par
ailleurs, 26 prélèvements de tissu rénal de chats ont été analysés. Seize d’entre eux présentaient des
teneurs en OTA comprises entre 0,35 et 1,5 μg/kg, mais sans que ces valeurs puissent être reliées à
quelque signe pathologique que ce soit. Dans le prolongement de cette première étude, Pühringer
(cité par Böhm et Razzazi-Fazeli, 2005) a analysé 101 prélèvements de tissu rénal de chats
présentant ou non des signes cliniques rénaux. Trente-neuf échantillons présentaient des teneurs en
OTA comprises entre 0,11 et 0,30 μg/kg, et 16 entre 0,31 et 5,18 μg/kg, mais sans que ces valeurs
puissent être reliées à une quelconque pathologie rénale. Parallèlement, cet auteur a analysé 55
aliments pour chats (45 humides et 10 secs). Quatorze (7 aliments humides et 7 aliments secs)
présentaient des teneurs comprises entre 0,11 et 2,17 μg/kg (seuil de détection 0,10 μg/kg). Il serait
intéressant de connaître l’effet à long terme sur les carnivores domestiques des niveaux de
contamination les plus élevés.
Deux études expérimentales majeures ont été conduites afin de mesurer l’impact d’un apport continu
per os d’OTA sur l’organisme de jeunes chiots (Szczech et al., 1973a, 1973b et 1974 ; Kitchen et al.,
1977a, 1977b, 1977c). Dans la première étude portant sur 23 chiots âgés de 8 à 9 semaines et
répartis en lots de 3 animaux, la dose quotidienne de 0,2 à 0,4 mg/kg p.v. conduit à un tableau
clinique dominé par de l’anorexie, des vomissements, du ténesme, une élévation de la température
corporelle, un syndrome polyurie-polydipsie, puis une déshydratation, de la prostration avec une
évolution mortelle en moins de 2 semaines (Szczech et al., 1973a). Des apports supérieurs (3 mg/kg
p.v.) se sont révélés systématiquement et rapidement mortels avec un tableau clinique similaire
évoluant en moins de 4 jours. A l’évidence, les jeunes chiots s’avèrent être une catégorie animale
particulièrement sensible à l’OTA. En revanche, la dose de 0,1 mg/kg p.v. a été bien supportée par
l’ensemble des animaux. A l’instar des autres espèces, chez le chiot, l’action toxique de l’OTA
s’exerce sur l’épithélium tubulaire rénal comme le montrait dans cet essai, la détérioration des
paramètres urinaires (faible densité urinaire, protéinurie et glucosurie) sans altération des paramètres
plasmatiques. L’examen anatomo-pathologique a montré la présence d’une entérite hémorragique
(colon, cæcum et rectum), d’une hypertrophie des noeuds lymphatiques qui étaient oedémateux,
hyperémiques et localement nécrotiques ainsi que d’une nécrose et d’une desquamation de
l’épithélium du tube contourné proximal (Szczech et al., 1973b) associée à une altération profonde
des membranes basales et du reticulum endoplasmique des cellules de l’épithélium tubulaire
(Szczech et al., 1974).
Dans la seconde étude, réalisée ultérieurement par la même équipe de l’université Purdue (West
Lafayette, Indiana), l’action toxique de l’OTA per os a été testée séparément ou conjointement à
l’administration parentérale de citrinine aux doses respectives de 0,1 ou 0,2 mg/kg pc d’OTA et 5 ou
10 mg/kg pc de citrinine sur des chiots âgés de 10 semaines. Le même tableau clinique que
précédemment n’a été retrouvé que pour les chiots recevant l’association d’OTA per os et de citrinine
en injection intrapéritonéale. Les associations OTA (0,1 mg/kg p.v.) – citrinine (5 mg/kg p.v.) et OTA
(0,2 mg/kg p.v.) – citrinine (10 mg/kg p.v.) ont entrainé la mort de 4 à 6 chiots en moins de 2
semaines, alors qu’en l’absence de citrinine, aucun signe notable d’intoxication n’avait été observé.
Avec l’association les 6 chiots moururent en 4 ou 15 jours, alors qu’en l’absence de citrinine, aucun
signe d’intoxication notable n’avait été observé. La présence de citrinine potentialise l’effet toxique de
l’OTA et conduit à une plus grande sévérité des troubles ainsi qu’à une mortalité plus rapide des
chiots, ce qui reflète une véritable synergie toxicologique des deux mycotoxines (Kitchen et al.,
1977a). L’examen anatomo-pathologique a confirmé les effets délétères de l’OTA : présence
d’ulcérations digestives, nécrose des tissus lymphoïdes ainsi que nécrose et desquamation de
l’épithélium du tube contourné proximal (Kitchen et al., 1977b) associées à une altération profonde
des cellules de l’épithélium tubulaire (Kitchen et al., 1977c). Le tableau nécropsique a également été
amplifié par la présence de citrinine.
A la vue de la grande sensibilité de l’espèce canine à l’OTA, il n’est donc plus possible d’écarter
l’éventuelle responsabilité d’une contamination même faible des aliments utilisés par les chiots en
croissance dans la survenue de troubles de la fonction rénale, surtout lors de contamination fongique
multiple. Dans la mesure où la dose de 0,1 mg/kg pc semble bien supportée (ce qui équivaut à
environ 1 mg/kg d’aliment) et en prenant une marge de sécurité de 10, il est possible de fixer à 0,1
mg/kg d’aliment la limite maximale tolérable pour les carnivores domestiques.